La nouvelle Workplace n’est plus entre quatre murs : comment concilier flexibilité, collectif et culture d’entreprise ?

The Next Workplace - Retranscription de la table ronde 1

Informations générales

Dans un but commun, les acteurs de la Workplace du futur s’engagent à consolider l’appartenance de ses membres à leur contexte professionnel.

Le niveau de confiance des employeurs et managers vis-à-vis de leurs collaborateurs est déterminante dans la cohésion des équipes. Pour renforcer cette confiance, les intérêts individuels peuvent être valorisés par l’inclusivité d’une part, et par la personnalisation des services en entreprise d’autre part.

L’intelligence collective a tout intérêt à être mobilisée pour que nos collaborateurs deviennent de fiers ambassadeurs de la culture d’entreprise.

Intervenants

👉 Kevin Bouchareb, Director Future of Work, Ubisoft;

👉 Perrine Labesse, Head of engagement and People ops, Blablacar;

👉 Pamela Corbin-Audoux, Leadership, Diversity & Inclusion, Decathlon Technology;

Animateurs

👉 Martin Sauer, cofondateur de Slean

👉 Simon Vergeot cofondateur de Uzfull

Bon, c'est parti pour la retranscription ?

Rôle du télétravail

Quels sont vos regards sur le sujet du télétravail aujourd’hui, pourquoi est-ce si important pour vous?

Kévin Bouchareb raconte :  À l’échelle européenne, les français étaient, pré-Covid, les derniers de la classe en ce qui concerne le télétravail, et très certainement les moins bien côtés au monde. Au faible enthousiasme s’ajoutait le manque de volonté. Culturellement, il y a une spécificité française qui justifie cette tendance : elle s’articule autour du présentéisme et de certaines pratiques managériales ( la France affichait une réelle résistance aux révolutions dans ces domaines particuliers). Nous nous retrouvions donc en queue de peloton sur ces questions de flexibilité. Heureusement, nous revenons sur le devant de la scène: nous entamons une phase de rattrapage, comme avec les nouveaux accords de télétravail.

Il faut pour dans un premier temps reprendre la main sur le narratif et révolutionner le contrat social en entreprise.

Il se formalise une réponse à la fois conjoncturelle et structurelle à la question de la libération de l’individu au travail, argumente Kevin.

Au niveau conjoncturel : c’est le contexte covid qui force cette démarche. Cela s’inscrit dans un mouvement plus long terme : remettre en cause la subordination au travail.

💡 La création en masse de beaucoup d’auto entreprises est un bel exemple de ce progrès : il y a un réel désir d’indépendance face à l’aspect emprisonnant du travail en présentiel.

C’est un nouveau paradigme social, qui découle directement de l’état d’esprit ”YOLO” (You Only Live Once) : le travail est une des sphères de la vie, mais pas son unique aspect. Il doit s’articuler autour et avec les autres sphères du quotidien (sport, famille, relations amicales et professionnelles, etc... ).

Pour autant, ces réflexions sont discréditées par le manque de confiance de la part des employeurs.

Les accords de télétravail sont souvent décidés à marche forcée : “le télétravail : oui, mais”.

Certains accords spécifient des contraintes qui portent à confusion : 2 jours de remote par semaine à condition que ces derniers ne précèdent ni ne suivent les week-end et jours fériés… Une précaution “de sécurité”, que les équipes interprètent comme un manque de confiance, une infantilisation.

Pamela Corbin-Audoux s’accorde sur le fait qu’il existe une différence de modèle significatif entre le remote only, ou le remote first, et une démarche de télétravail à marche forcée.

D’abord d’un point de vue logistique. Les problèmes d’accès au matériel, quand on passe d’un collaborateur à quinze en télétravail, sont monnaie courante.

La réorganisation et l’ajustement du budget demandent un réel effort.

Sans compter la question du Trust & respect. Pour Pamela, les entreprises ont du mal à faire confiance en se basant sur le postulat que les employés ont tendance à se laisser aller à la procrastination. ****Sur ce point il est facile de s’opposer : quand on ne travaille pas cela se voit. L’inaction n’offre aucun moment de sérénité. Au contraire, lorsque le travailleur récalcitrant ressent le besoin de se cacher suite à sa paresse, son stress devient visible.

Dans la réticence qu’a l’entreprise à passer le cap de l’hybride, le manque de confiance est en réalité injustifé. L’improductivité se ressent et ne peut perdurer.

Collectif, créativité, sens

Collectif, créativité, sens, sentiment d’appartenance, ce sont des termes qui reviennent souvent quand le sujet du télétravail est abordé. À quoi cette nouvelle forme de collectivité pourrait ressembler?

Pour Kévin, la distance doit être pensée en parallèle à la cohésion des équipes, et donc au collectif : Dans le domaine du jeu vidéo on peut rapporter les retours d’expérience des joueurs au travail. Avec World of Warcraft, l’aspect communautaire domine les échanges et la progression, en plus d’être largement facilitée par le gameplay. Sur WoW, dans la progression organique des joueurs, aucun boss du jeu ne peut être vaincu seul, à moins de farmer.

⚙️ Il devient nécessaire de penser cette transition avec une intention claire. C’est ce qui permettra d’articuler les processus pour que le changement de modèle ne devienne pas un frein à la cohésion.

Ce rassemblement autour d’un but commun donne souvent lieu à des rencontres physiques, il n’y a là pas d’opposition de principes.

Par comparaison, Kévin invoque le concept de la machine à café. C’est un rituel excluant (c’est le lieu des secrets), car il souffre d’une déperdition d’information dans le format même de l’échange.

Pour favoriser la créativité, il faut déterminer quelles parties du travail doivent s’effectuer à distance, seul ou en groupe. On peut le faire grâce à trois facteurs:

  1. L’intelligence du projet : être en accord avec les problèmes qu’on doit résoudre.
  2. La divergence des options : déterminer le travail qu’on peut faire à domicile, seul, et celui qui nécessite une forme d’autocensure ou de feedback.
  3. La convergence des idées, celles qui se partagent et se décident en équipes.
Grâce à ça, la distance ne sera plus considérée comme une menace mais comme une opportunité.

Un remote inclusif ?

Sachant que le remote work concerne 30% des effectifs, comment faire pour que cela fonctionne ?

Perrine Labesse se propose d’abord de déterminer les occurrences des rencontres.

Par exemple, en ce qui concerne les onboarding des collaborateurs, le télétravail est repensée à chaque étape franchie.

On peut aussi profiter des évènements organisés pour favoriser l’inclusivité au sens large : inclure la famille, les amis, les éléments extérieurs dans les rencontres au travail pour améliorer les relations.

S’assurer que tout le monde travaille

Quelles bonnes pratiques pour s’assurer que tout le monde travaille ?

L’inclusion (handicap, neurodiversité, parentalité … ) sert grandement le bien-être général au travail, continue Pamela. Etre attentif à la question de la santé (mentale et physique) améliore la sécurité psychologique des collaborateurs. En bref, la meilleure approche est globale.

Par exemple, un des collaborateurs de Decathlon Technology a demandé d’avoir accès à des cabines de douche fermée : cela n’avantage pas uniquement les personnes transexuelles, mais aussi les collaborateurs timides ou pudiques qui ne souhaitent pas souffrir d’un trop plein d’inclusivité.

Le siège comme hub

On parle d’écosystème, de lieux en fonction des usages : comment faire pour que le siège social prenne la forme d’un hub? Quid de la modularité des espaces.

Simplement, en louant les espaces, ou en organisant les coworkings dans les lieux que fréquentent les employés à proximité des bureaux.

→ Il est possible d’officialiser des pubs en tant qu’espaces de travail.

Non seulement il est question d’appartenance à une même entreprise, mais en démocratisant ces espaces de travail informel, nous consolidons aussi l’appartenance à une même culture.

Différents modèles de Future of Work ?

Vers quelles options se tourner quand les entreprises diffèrent les unes des autres ? Quels sont les différents modèles du Future of Work ?

Entre le full office et le full remote, il y a 50 shades of highways, plaisante Kévin.  (Goldman Sachs vs Tesla). Il explique :

  1. Avec l’Office first, le travail est pensé pour être fait d’abord et avant tout au bureau: il devient une accomodation. On le voit notamment avec les campus stratégies de chez Google , Apple…
  2. Avec le Full hybrid : on retrouve le meilleur des deux types de travail : Microsoft a mis en place une répartition du mode de travail par activité.
  3. En Flex, chez Lego Montreal par exemple, il y a l’idée du “venez comme vous êtes”. Le bureau devient un Hub pensé pour la collaboration. L’inconvénient, c’est que c’est un modèle coûteux (les bureaux sont difficilement optimisables, mais il y a là un énorme avantage compétitif).
  4. Le Remote first est pensé pour la distance: le bureau est réservé aux collaborations, ou est pensé sous forme de showroom ( il accueillera des activités particulières : presse, formation, … )
  5. En Full Remote, le distanciel correspond à 99% du travail, le 1% restant concerne l’alignement stratégique et les rencontres entre collaborateurs..

Challenges & Opportunités

Ce nouveau paradigme de  la distance a créé à la fois des risques et des opportunités. Que peut-on faire face à ces challenges, notamment liés à la distanciation sociale?

“Parler à des photos “, c’est une critique qu’on entend souvent au sujet des échanges virtuels.

En réalité, cela dépend de la façon dont chacun gère ses liens superficiels : le rapprochement social vient avant tout d’une démarche personnelle. Les contraintes de la distanciation sociale ne se font sentir que pour les personnalités plus ou moins introverties (a-t-on l’habitude de tenir la conversation avec son commerçant de quartier, faisons-nous les efforts pour maintenir une connexion, sommes-nous avenants… ).

Pour pallier à ces manques, on peut imaginer des rituels de cohésion d’équipe qui conviendraient à la fois aux intravertis et aux extravertis.

Il existe des moyens de trouver du lien, cette idée que le “remote work diminue les liens “ est une excuse. Il faut agir avec intention : écouter les employés comme on écouterait les “fidèles” (par allégorie de la religion, les travailleurs correspondraient à des “prophètes” de l’image de l’entreprise).

💡  Le “never normal” impose une nouvelle réalité , exige un processus itératif.

Le télétravail demande certes un cadre, des règles qui évoluent au même titre que l’environnement de travail.

→ Decathlon Technology a par exemple mis en place (pendant 1 an et demi) un système de partenariat international très efficace qui permet aux collaborateurs d’échanger avec d’autres personnes lorsqu’ils sont en pays étranger afin de pouvoir bénéficier d’une solution de logement de secours. Le principe a très bien fonctionné, d’après les bénéficiaires. Le concept s’articule autour de ces partenaires néonomade, et des hébergements optimisés.

Conseils pratiques

Afin de mobiliser les équipes autour de ce cadre, avez-vous des conseils pratiques?

“Écouter sans délai !”

Nous bénéficions d’outils du marché adapté à la taille de l’entreprise dans le cadre de la récolte d’information, rien de plus facile que de savoir ce que pensent vos collaborateurs : il suffit pour cela d’engager l’innovation.

L’intelligence collective permet d’aller plus loin - à condition de poser des questions précises aux acteurs du workplace. En laissant les employés accéder à plus de responsabilités, ils deviennent plus raisonnables. Ils se disent ”j’ai coconstruit, donc je suis responsable”.

Cela seul suffit à faire d’eux de bons ambassadeurs. Il faut les impliquer.

Vision de la NextWorkplace

Quelle est votre Vision ?

Kévin conclut : C’est enthousiasmant qu’il y ait des initiatives comme les Assises du travail. Elles proposent un nouveau rendez-vous sur la nature et les conditions du travail. Pour autant, ce qui passionne les gouvernements, ce sont presque exclusivement des questions très généralistes.

Pour apporter la démocratie au travail il faut se poser des questions plus précises :
→ Comment inventer le dialogue social,
→ Prendre en compte l’individu au travail,
→ Engager le volontarisme que ce soit dans les secteurs privés, publics ou syndicaux.
→ …

L’enjeu s’articule autour de la compétitivité. Agir sur la nature du travail permettrait d’éviter le vol des employés qualifiés par d’autres entreprises : pour que ces profils qualitatifs puissent y rester, ils ont besoin d’avoir accès à des conditions de travail séduisantes.

La Next Workplace : conclusion

Le Next Workplace a ainsi un certain nombre d’attributs :

→ elle est décentralisée (ex.:  78% des travailleurs qui vivent en IDF par dépit doivent pouvoir trouver une réponse par rapport à leur lieu de travail, ce contexte, parmi d’autres, introduit révolution sociale excitante),

→ ce n’est plus le lieu de travail par défaut,

→ elle devient modulaire,

→ elle permet l’individualisation (il autorise une forme de personnalisation, en réponse au modèle standardisé),

→ elle est inclusive.

🎯 Le Next Workplace devient, tout simplement, une somme de lieux et de services.

January 26, 2023

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