Pour ce nouvel épisode de NuWork, nous recevons à nouveau Alejandra Martinez et Catalina Manzano, Managing Director et Project Manager @ BICG.
Cet épisode fait partie d’une série sur le travail hybride, dans lequel l'objectif est de comprendre les évolutions du travail hybride, de l'environnement de travail et du mode de travail.
Les intervenantes partagent leurs expériences sur les bénéfices de ce mode de travail, mais aussi sur les risques liés à une mauvaise gestion de la transformation de l’entreprise. Ils évoquent la perte de cohésion et de sentiment d'appartenance à l'organisation, et proposent des solutions pour y remédier.
Comment mettre en place ce travail hybride de la meilleure manière possible en considérant dès le début les éléments importants pour éviter les épreuves ?
Les entreprises bénéficent d’un important pouvoir d'attraction en offrant des possibilités hybrides aux collaborateurs sur le marché de l'emploi, et elles peuvent améliorer leurs stratégies et processus pour favoriser la cohésion des collaborateurs et la productivité.
Le bureau a t-il encore un sens aujourd'hui ?
L'épisode en quelques points clés
- Le travail hybride offre plusieurs avantages, tels que la gestion du temps, la valorisation des résultats et une utilisation optimale des outils technologiques.
- Les entreprises bénéficient d'un pouvoir d'attraction en offrant des possibilités hybrides aux collaborateurs sur le marché de l'emploi.
- La mise en place du travail hybride nécessite de considérer certains éléments importants, notamment la préservation de la cohésion et du sentiment d'appartenance à l'organisation.
- Pour éviter les épreuves, il est essentiel de favoriser le sentiment d'appartenance en organisant des réunions sur site, des activités de team building et en transmettant la culture de l'organisation.
- Il est important de planifier et d'organiser les réunions de manière efficace pour maximiser le temps collaboratif.
- Il est nécessaire d'établir des accords clairs entre les équipes pour définir les jours de présence sur site et optimiser le travail hybride.
- Il faut rétablir les règles du jeu pour favoriser la déconnexion et le bien-être mental des collaborateurs.
- Le rôle du manager dans un contexte hybride nécessite de développer la confiance, l'empathie et d'acquérir les compétences nécessaires pour gérer des équipes délocalisées.
- Les managers jouent un rôle clé dans la transmission de la culture de l'organisation et doivent être des vecteurs d'engagement et d'animation de celle-ci.
Les avantages du travail hybride
Alejandra Martinez
- Un des avantages les plus évidents du travail hybride est que le collaborateur bénéficie d’une meilleure gestion du temps, il devient le maître de son temps.
→ Moins de temps est alloué aux transports pour se déplacer au bureau
→ Et il bénéficie de plus de libertés horaires.
Quand on sait que 95 % des collaborateurs s’estiment plus motivés dans un contexte où ils choisissent leurs modalités de travail, c’est un argument massue.
- Ensuite, on peut axer la gestion de la productivité sur les résultats et non plus sur la présence en entreprise comme c’était le cas avant : les collaborateurs se sentent beaucoup plus valorisés dans leurs rôles et dans leurs activités. Mais ils sont aussi plus proactifs, parcque le travail hybride nécessite de leur part une certaine autonomie et une plus grande responsabilité.
- Grâce à l’hybride, on exploite également nos moyens technologiques de façon beaucoup plus complète. Le travail hybride impulsé par le covid à réussi à consolider les outils technologiques qui permettent de digitaliser, de numériser les processus dans dans le contexte des organisations du travail.
Dans le dernier épisode, je me souviens que tu donnais l’exemple d’entreprises dans lesquelles les collaborateurs peuvent avoir plus de liens avec d’autres collègues ailleurs dans le monde, plutôt qu’avec des collaborateurs du même du bâtiment.
Maxime Cousin
- Le pouvoir d’attraction des entreprises est un véritable atout concurrentiel, dans un contexte où le marché des talents s’étend à toute l’Europe, voire se mondialise. Ces organisations attirent non seulement les plus jeunes mais aussi les collaborateurs les plus talentueux.
Sur le marché de l'emploi ces entreprises sont en concurrence, non plus seulement avec les autres d'entreprise de Paris de Madrid ou de Lyon. Finalement elles sont en concurrence avec tout le marché européen d'emploi. Ce qui fait que l’attraction des talents et les éléments culturels deviennent d’autant plus importants.
C’est donc devenu une obligation de donner ces possibilités hybrides aux collaborateurs.
Comment se met en place ce travail hybride ?
Maxime
L’expérience de BICG a permis d’expérimenter depuis plusieurs années différentes méthodes de réorganisation. BICG accompagne ses clients partout en Europe, afin de les aider à mettre en place ces processus, et stratégies.
Quelles erreurs, les risques qu’il peut y avoir quand on met en place un modèle hybride?
Quels sont les éléments à considérer dès le début, pour mettre ça en place de la meilleur des façons, et avoir le maximum de bénéfices?
En tant que Directeur des environnements, DRH, ou DG, à quoi dois-je penser dès le début pour éviter les épreuves?
Tout commence avec la culture
Catalina Manzano
Je dirai que l’élément le plus évident, et impactant, est la perte du sentiment d’appartenance, de la cohésion.
On a bien vu que lorsqu’on travaillait chez soi, les personnes ne venaient pas sur site. Leur seul lien avec l’organisation c’était leur outil de travail, leur ordinateur.
Et donc le premier élément à mettre en place c’est de s’assurer que le collaborateur puisse se sentir part de cette organisation, et puisse ressentir la culture de l'organisation comme sa propre culture. Une étude de Microsoft explique que 43 % des dirigeants déclarent que cet établissement des relations est le plus grand défi lors de la mise en place du travail hybride.
Le travail hybride c’est le moyen d’attirer les talents, en particulier tech, et c’est évident ces personnes ne veulent pas aller sur site. Mais pour ces personnes l'organisation est vraiment un plus, mais ils ne ressentent pas la culture.
Il y a des façons de mitiger ces problèmes.
Un exemple que l'on retrouve et qu’on a travaillé avec nos clients :
- On a généré des processus sur site pour attirer les collaborateurs et pour qu'ils ressentent aussi la culture. Ça peut être de façon formelle :
→ Comme des réunions hebdomadaires sur site avec les équipes,
→ Mais ça peut aussi être des journées de team building, où on va planifier des activités variées pour connecter les équipes et faire connaître leurs différents métiers.
C'est vraiment important de pouvoir assurer que les personnes vont se rencontrer et que tout au long de cette journée on va pouvoir transmettre la culture de l'organisation, ses valeurs, ainsi que les habitudes de tous les collaborateurs.
Le temps collaboratif : levier d’efficacité
Maxime
L’important c’est donc de créer des moments où les gens se retrouvent, soit pour du temps off, social, soit pour du collaboratif. Est-ce qu’il y a un enjeu d'efficacité auquel il faut faire attention, parce que on connaît cette habitude de faire des réunions pour faire des réunions, or, pour certaines personnes qui vont être en recherche d'efficacité, ça va plutôt être un frein.
Y a t-il des choses auxquelles faire attention pour maximiser ce temps collaboratif, afin de lui donner la plus haute valeur ajoutée ?
Catalina
Tu l'as dit, aujourd'hui on a des réunions non stop, et le problème c'est qu’il n’y a pas de planification autour de ces réunions. On passe nos journées à faire des réunions, et on finit par faire du télétravail sur site, “je suis dans une salle pendant toute ma journée”. Et le problème ici c'est, d’une part, la quantité de réunions, et d’autre part le fait que on n'est pas habitué à bien organiser des réunions avec peu de participants, avec un agenda clair, avec un profil modérateur.
Mais c'est aussi un manque d'organisation des équipes parce que les personnes sont désorientées avec des modèles hybrides s’il n’y a pas un accord qui va nous dire quand est-ce que je dois venir sur site, dans la mesure où ce sera le plus bénéfique.
Seules 28 % des des organisations qui ont mis en place un modèle hybride ont parallèlement mis en place des accords entre les métiers - pour savoir quand est-ce qu'ils vont venir et pourquoi venir.
Plus de 70% des collaborateurs ne savent pas comment s’organiser avec les équipes, ni quand venir.
Un commun accord des règles du jeu
Maxime
Il y a une grosse différence entre dire “C’est une obligation de venir le mardi” et “ Ok l'équipe, qu'est-ce qui est important ? Quel jour ce serait le plus adapté en fonction de nos tâches pour se rencontrer ?” Combien d'entreprises proposent ces deux jours de télétravail fixes par semaines et en font une contrainte pour les collaborateurs…
Techniquement on aurait le droit d'avoir un jour limité de télétravail, mais ça nécessite un accord commun entre les équipes.
Catalina
Je pense que c’est important de faire la différence entre le modèle hybride en tant que l'accord fixe pour l'organisation, et les accords d'équipe.
Un exemple chez BICG : nous n’avons pas de jour fixe dédié au télétravail, on se synchronise d’abord avec les équipes. Nous avons aussi développé un outil technologique Reyteams, qui nous permet de savoir qui sera sur site et quand.
Maxime
Il y a un risque que je vois à mon échelle : le fait d’avoir emmené le travail à la maison, ça a cassé cette frontière pro-perso. Il y a une difficulté à déconnecter, on est dans un flou de travail constant.
Vous l’avez constaté chez vos clients, qu’est-ce qu’on peut y faire ?
Alejandra
Dans toutes les études que nous avons dirigé et que nous avons lues, je dirais que la difficulté de déconnexion c'est lié au bien-être mental. Cela devient un aspect fondamental dans l'écosystème de travail futur qu'on veut mettre en place.
L’étude de Microsoft montre que nous avons augmenté de 250 % le nombre de réunions. Et déjà, je me rappelle qu'avant la pandémie, les réunions qui n'était pas bien constituées devenait était un voleur de temps.
Nous sommes tout le temps connectés. Je dirais que la beauté de la technologie, et qui fait aussi son malheur, c'est que ce liquide, qui nous permet de très facilement se connecter en un clic avec tout le monde, ça créé un problème de déconnexion. C’est pour cela qu’il faut rétablir les règles du jeu, afin d’éviter l’impact négatif sur le bien être des collaborateurs.
Maxime
On a cette notion de déconnexion, mais dans cette recherche du bien être, on a son propre espace mental et sa gestion de son temps. Et un enjeu très commun, c’est cette distension du rapport managérial. Et je le vois dans mes équipes, si ces enjeux ne sont pas clairs, il y a un peu de distensions, d’inefficacité, de perte de motivation.
Redéfinir le rôle du manager
Maxime
La cause numéro 1 de démission dans une entreprise, souvent, c’est le manager. Malgré tout, il ne suffit pas de mettre la faute sur eux.
Manager dans un contexte hybride, à distance, n’a rien à voir avec manager en physique. En Europe on a quand même cette culture où, si tu veux progresser dans l'entreprise, tu passes d'un expert à un manager.
Alors que les gens ne sont pas naturellement faits pour ça, et ils n’y sont pas formés.
Est-ce que manager des gens à distance complexifie le rapport manager-managé ? Qu’est-ce que vous conseillez pour garder cette cohésion et ce lien dans la gestion du temps et des équipes ?
Alejandra
Tu as touché un des points fondamentaux de la mise en place d’un modèle de travail évolué.
Le rôle de manager est compliqué parce qu'il a :
- d'un côté, la pression de la haute direction,
- et de l’autre côté il doit gérer des équipes qui ne sont pas tous dans le même endroit.
C'est vrai qu’on part d'une culture de management qui est très basée sur la présence et le micro management. Et pour gérer des équipes délocalisées, il faut développer la confiance et l’empathie. Comment faire pour favoriser ce dialogue avec nos collaborateurs en tant que manager, pour établir là où le collaborateur se situe d’un point de vue personnel et professionnel.
Comment établir les objectifs, rôles et missions ?
Oui, il faut donner un soutien aux managers pour leur donner les outils nécessaires : des softs skills, des outils technologiques (planners, gestion d’entretiens, dailys, feedback sessions).
Chez BICG on fait ce qu’on apelle le Leadership Journey : un parcours pour leur donner les compétences et soft skills dont ils ont besoin pour travailler confortablement.
Parce que les managers font partager et vivre la culture de l’organisation, ils deviennent des transmetteurs.
People & Culture : l'hyperproximité
Maxime
La culture est vécue est ressentie par tout le monde, mais le lien avec le manager est tellement présent, qu’il devient un vecteur culturel encore plus fort.
Il y a quelques mois j’ai fait une Learning Expedition dans un pays nordique. J’étais chez King, l’éditeur du jeu Candy Crush, et la personne de l’environnement de travail disait que les collaborateurs venaient quand ils voulaient, et que la question était ensuite reposée à l’échelle de l’équipe, ça devenait presque un KPI du manager de savoir si les collaborateurs comprennent et vivent bien la culture.
Finalement le rôle du manager c’est presque un rôle de levier de la culture et de l’histoire de l’entreprise. Il doit aussi l’animer. Si une seule personne endosse le rôle de l’engagement, ça devient difficile de manager 5 000 personnes, ou alors il faut des équipes ou un budget énorme.
Alors que si remet ça à l’échelle du manager, on peut bénéficier d’un levier d’hyper proximité, qui aura beaucoup plus d’effet.
Je trouve ça vraiment intéressant de redéfinir le rôle du manager comme vous l’avez fait, en creusant ce Leadership Journey.
On est pas obligés de tout savoir à un moment T, mais le rôle du manager est évolutif, et peut progresser avec les bons outils.
Le défi…
Catalina
Il y a maintenant un défi:
Alors qu’avant on était dans le travail chez soi, maintenant on veut faire revenir tous les collaborateurs. Les dirigeants se retrouvent avec cette difficulté : les gens ne viennent pas, parce qu’ils n’ont pas de raison de le faire.
Il y a 2 jours on a fait un atelier avec un groupe de collaborateurs en Suisse, et ils nous disaient :
- “Je viens sur site, mais les gens ne savent plus comment collaborer et travailler dans le respect, les uns avec les autres. Ils prennent des réunions Teams à longueur de journée, et je n’arrive pas à me concentrer, au retour du télétravail, je ne suis plus habitué. Pourquoi revenir sur site alors que je travaille mieux chez moi? ”
Face à cette problématique, BICG a mis en lumière un problème : les décideurs des différentes directions n’étaient pas alignées dans la conception de ce modèle hybride.
On vient de lancer un programme :
Welcome Back : comment intégrer ces disciplines pour concevoir un modèle et assurer que l’expérience collaborateur sera positive ? Qu'ils ne vont pas venir pour se rendre compte qu’ils travaillent mieux chez soi ? Ni générer cette résistance à retourner au bureau.
Maxime
L’accompagnement, cette conduite du changement doit se faire à différents niveaux. Au niveau de la DG, du management, du collaborateur même.
Les difficultés émergent souvent quand les choses se stratifient, quand on a perdu cette perméabilité dans les décisions.
Co-construire
Dans la mise en place d’un modèle hybride, on a bien plus d’éléments positifs que négatifs, si on fait les choses bien.
Mais pour ce faire, il faut prendre en compte différents éléments :
- Espace : l’adapter, en créer un lieu de sociabilisation, un concentré de la culture
- Lien entre l’entreprise et l’ensemble des collaborateurs (people & culture) définition claire des bonnes pratiques, et des règles, afin de confiner le travail dans certains moments temps clefs.
- Rôle entre le manager et équipe : définition des objectifs, levier d’acculturation. Procéder à une réécriture de la façon de travailler présentiel et en distanciel.
Cette redéfinition doit être mise en œuvre avant même de penser bureau ou télétravail.
Le comment impacte la stratégie de flex office, de travail hybride.
Alejandra
La stratégie business de l'entreprise est un élément essentiel à ne pas oublier, et est à relier avec ces décisions.
Qu'est-ce qu'on veut ? Comment est-ce qu’on veut faire progresser et grandir notre organisation ?
La réflexion va au-delà : si on souhaite avoir une évolution en tant que entreprise dans le business, il faut montrer comment notre force de travail doit s’adapter à ces enjeux.
Maxime
Si la réflexion stratégique est aussi importante, c’est qu’elle est capable de montrer à chacun qu'il a sa place dans un tout.
J’invite d’ailleurs tous nos auditeurs à regarder côté BICG, ce que vous faites, comment vous pouvez les accompagner, je sais d’ailleurs que vous êtes sur Linkedin,
Alejandra et Catalina, merci pour tous ces apprentissages, que nous allons pouvoir mettre en action.
À très vite pour le prochain épisode !
Pour en savoir plus, consulter l'article relatif au premier épisode avec BICG sur les 10 erreurs qui tiennent votre modèle hybride en échec.
June 21, 2023